**La pression monte pour les grandes marques: il faut trouver de nouveaux textiles plus durables pour répondre à un des besoins les plus pressants du monde contemporain - la mode durable. **
PLONGEONS DANS NOTRE COMPOST (SI SI!)
Les cuirs alternatifs
Virón - Chaussures Véganes
La destruction des ressources naturelles sous des piles de détritus est un cri de ralliement pour le créateur de bottes Viron, qui a choisi d’utiliser les peaux et pépins des pommes utilisées dans la création de jus de fruits en Italie pour ses bottes. Une fois sèches, les pommes sont mélangées avec du Polyuréthane (un plastique couramment utilisé): ainsi, un cuir résistant et respirant est produit, parfait pour la production de bottes de style militaire.
MycoWorks - Cuir de champignons
Mycoworks, la start-up qui produit du cuir à base de fongus (champignons), a fait la une lors de sa collaboration avec Hermès, créateur de produits en cuir par excellence. Mycoworks souhaite redéfinir notre connexion avec le cuir: selon le PDG, Matthew Scullin, nous avons une relation quasi-émotionnelle avec le cuir et ce qu’il représente, qui rend difficile de s’en détacher. Pour faciliter cela, le défi est de s’assurer que le cuir-fongus est tout aussi résistant et multi-usage que le cuir animal. Selon Scullin, la solution est simplement de trouver la manière parfaite de faire pousser ses champignons (ce sont en effet des organismes très plastiques qu’il est facile de modifier).
Desserto - Cuir de cactus
Le cuir est en vogue ! Les créateurs de Desserto, start-up mexicaine qui produit du cuir à base de cactus, perçoivent les cuirs en plastique comme de fausses solutions long-terme (citant le microplastique qui s’en détache et les produits chimiques qui les composent). Ainsi, ils se tournent vers le cactus pour capitaliser sur le marché des cuirs alternatifs. Les feuilles des cactus sont coupées tous les 6 à 8 mois, nettoyées et séchées au soleil. Ensuite, elles sont écrasées et mélangées à un produit non toxique (Desserto ne précise pas lequel). La mixture peut ensuite être moulée et teinte, pour créer toutes les couleurs et textures de cuir imaginable. La qualité promise rivaliserait avec le cuir animal; de plus le cactus pouvant pousser partout à faible coût environnemental (peu d’eau nécessaire), Desserto promet aussi le double bénéfice de reboisement de régions desséchées.
Les tissus
Orange Fiber - Tissus fabriqués à partir de déchets de jus d'agrumes
Adriana Santanocito et Erica Arena, de l’école Polytechnique de Milan, créèrent en 2017 un tissu fait à base d’agrumes, pour contrer le problèmes de gaspillage dans l'industrie du jus de fruit italienne. Salvatore Ferragamo fut la première grande marque à utiliser le tissu pour une collection capsule - en même temps, la maison de couture posa un nouveau point de référence pour la mode durable et le luxe, qui reflète les valeurs de Ferragamo et son engagement dans la recherche autour de la mode durable.
Dotzero - Sneakers en Bois Recyclé
La marque Dot Zer0 part d’une observation: il est encore trop difficile de recycler des produits composés de plusieurs matériaux, comme les chaussures (qui peuvent être faites de plus de 10 types de matériaux). Ainsi, le pari de Dot Zer0 est de créer des chaussures à base d’un seul produit: les restes de l’industrie du papier, le papier et le bois - ensuite mélangés avec du plastique recyclé. Toutes les chaussures de Dot Zer0 sont ainsi faites du même mélange, que la marque reprend en fin de vie, recycle et réutilise !
LES TEXTILES FONT DEBAT! QUELS SONT LES OBSTACLES DU SECTEUR?
Si cette liste ne comporte pas votre textile du futur de choix, c’est parce qu’il y a un grand nombre de nouvelles innovations quotidiennes ! Quels sont les débats autour de ces innovations ?
Comment passer à grande échelle ?
Pour l’instant, ces textiles sont encore assez expérimentaux: est-il vraiment possible de trouver un modèle de production qui permet de les produire à grande échelle ? C'est ce qu'espère Mycoworks, notamment, mais cela reste à voir…
En outre, on sait aujourd’hui que les grandes entreprises ont une empreinte environnementale plus forte que de petits groupes indépendants. Ainsi, le futur de la mode durable repose-t-il vraiment sur de grandes compagnies de production de textile avec des monopoles sur les chaînes d’approvisionnement ? Y aurait-il une solution alternative, ou les PME pourraient rester à des échelles locales pour éviter de potentiellement reproduire les logiques de production actuelles et destructives ?
Coûts de production
L’existence de ces textiles demande implicitement que l’on s’en serve: ainsi, nous produisons; néanmoins, il est possible que la solution aux problèmes environnementaux dans la mode soit plutôt de ne plus produire ou beaucoup moins.
En continuant de produire de nouveaux vêtements - même à base de textiles durables - aurons-nous besoin de déboiser des espaces pour planter des cacti, par exemple ? En parallèle, avec la promesse que nous pourrons continuer à acheter des produits car leurs composants sont durables, il devient plus compliqué d’imaginer un monde où les consommateurs achèteraient moins et ou les grandes marques de mode rapide continueront à se remettre en question par rapport à leurs pratiques de production, et les coûts sociaux et environnementaux associés.
Enfin, la production de ces textiles requiert de mélanger les éléments naturels avec du plastique recyclé. Cela peut dire toujours plus de microplastiques dans l’environnement après les lavages. Certains experts se posent également la question de l'énergie demandée pour créer ces textiles et les vêtements qu’ils forment, alors que les besoins énergétiques de la société ne cessent déjà d’augmenter.
Du côté du consommateur
Ce n’est que depuis quelques années que ces nouveaux textiles existent sur le marché; il est encore difficile de savoir s’ils sont aussi durables que les matériaux traditionnels (notamment le cuir animal) car nous avons encore trop peu de recul. Il serait dommage et contre-productif sur le plan durable, que ces ‘solutions’ forcent en fait le client à renouveler ses vêtements plus souvent, continuant ainsi le cycle production-consommation.
Les textiles alternatifs sont parfois également très cher, plus que la mode rapide et même parfois que certaines marques de luxe. Qui sont les clients pour cette nouvelle génération de produits de luxe (dont le prix reflète, il est vrai, le travail et l'ingéniosité des créateurs.trices) - et allons nous vers des entrepôts remplis d’invendus ?
Ces interrogations et débats soulignent les obstacles que tout jeune créateur.trice doit surpasser - obstacle, mais aussi opportunité de créer un vrai changement dans le secteur.
DE LA POSITIVITÈ: LE MEDIUM TRANSFORME L'ART
Ces textiles du futur génèrent aussi de grands changements dans le monde de la mode: le médium transforme l’art…
Ce sont d’abord des curiosités qui attirent aussi bien les experts de la mode que le grand public, ce qui crée une demande grandissante. Cela devient clair quand on observe la popularité croissante des expositions sur les textiles, comme la Future Fabrics Expo ou la Premiere Vision Paris Expo. Ces événements créent un buzz et sont la preuve que ces innovations textiles ont aujourd’hui une place dans la mode. Des personnes avec les mêmes visions du futur dans la même pièce? Les choses bougent ! Et en tant que consommateurs, nous avons de plus en plus d’options.
Transformer notre relation avec nos vêtementsnous permet de mieux comprendre les coûts sociaux et environnementaux liés à leur fabrication et à leur transport.
L'intérêt porté par le grand public sur les textiles et ses problématiques permet aussi de focaliser les débats sur la production de vêtements et les chaînes d’approvisionnement. Cela peut nous aider à transformer notre relation avec nos vêtements, en pouvant mieux saisir les coûts sociaux et environnementaux liés à leur manufacture et transport.
Enfin, ces nouveaux textiles permettent une effusion de publications qui permettent de saisir plus profondément les enjeux du sujet. Les acteurs existants qui régulent le monde de la mode sont ainsi encouragés à agir, et de nouveaux acteurs entrent dans la discussion. Nous pouvons citer, par exemple, le rapport de Copenhagen Fashion Week sur la mode durable ou encore le rapport sur le marché des textiles du Changing Markets Foundation.
Quelles sont les publications sur ce sujet qui vous ont particulièrement inspirés ? Partagez-les ci-dessous !
POUR FINIR…
Le développement de nouveaux textiles promet des changements à tous les niveaux du secteur de la mode. C’est un résultat des demandes de changement des consommateurs et montre que de plus en plus de jeunes créateurs.trices identifient des possibilités d'amélioration dans leur secteur. C’est aussi l'opportunité pour de grandes entreprises de donner une plateforme aux plus petites, ainsi que l’a fait Hermès ou Ferragamo.
L'innovation textile accrue comme moteur de changement dans l'industrie de la mode, de la demande des consommateurs aux nouvelles opportunités de la chaîne d'approvisionnement.
Néanmoins, ces nouveaux textiles pourraient aussi engendrer une croissance dans la production, qui a pourtant été identifiée comme un des problèmes clé de l'industrie de la mode. Comment trouver l’équilibre entre l'innovation et la créativité et la préservation des ressources de la planète ?